Forcément, tôt ou tard, il fallait que je vous ponde un article sur ce qui est peut-être (sûrement) ma série télévisée préférée : Battlestar Galactica.
Attention ! Je ne parle pas de cette pâle copie de Star Wars datant de 1978, que nous avons pu découvrir dans Temps X, mais de son remake lancé en 2003. En fait de remake, le seul point commun de cette sublime épopée avec la série kitsch des seventies, c’est le titre et les noms des personnages !
Je tiens à rassurer d’emblée ceux qui ne connaissent pas BSG (c’est comme ça qu’on dit en abrégé) et qui pourraient avoir envie de découvrir ce feuilleton : cet article ne contient aucun spoiler.
Un Synopsis qui cache son jeu
Quatre décennies se sont écoulées depuis la fin de la guerre contre les Cylons, des créatures cybernétiques inventées par les humains, qui se sont rebellés contre leurs maîtres. Mais, voilà que la paix touche à sa fin : les Cylons, qui avaient signé l’armistice et étaient partis s’installer à l’autre bout de la galaxie, reviennent et détruisent les douze colonies humaines, dont Caprica, la planète sur laquelle on leur a donné vie. Seule une flotte d’environ 50.000 âmes échappe à l’Apocalypse. A sa tête, Laura Roslin, ministre de l’Education qui se retrouve d’office nommée Présidente des douze colonies de Kobol, et William Adama, commandant du vaisseau de guerre Battlestar Galactica. Ils vont devoir échapper aux Cylons et trouver une planète d’accueil... la Terre ?
Au premier abord, rien de bien original. Je dois même vous faire l’aveu que si l'on ne m’avait pas offert les DVD, je ne me serais jamais laissé tenter par une histoire apparemment si peu prometteuse ! Oui, mais voilà : les deux créateurs de la série, les Américains Ronald D. Moore et David Eick, ont caché, derrière cette apparente banalité, des sujets fascinants et des rebondissements à la chaîne. Ils prennent un malin plaisir à entraîner le téléspectateur là où il ne s’y attend pas.
C'est pas parce que c'est la fin du monde qu'on n'a pas le droit d'être sexy ! Lee Adama, nom de code Apollo (Jamie Bamber).
Les batailles de vaisseaux spatiaux, les explosions et les atterrissages forcés se déroulent sur un fond politique, philosophique et ésotérique. Chaque épisode nous invite à nous poser des questions fondamentales et jubilatoires : Qu’est-ce qui définit un être vivant ? Ses organes, sa pensée ou sa capacité à éprouver des sentiments ? Quelle est la place de l’humanité dans l’Univers ? Un despotisme éclairé est-il préférable à une démocratie aveugle ? Dieu peut-il exister ? Si oui, est-il unique ou plusieurs ? L'évolution humaine est-elle cyclique ou linéaire ? etc. Je vous assure que les éléments de réponses, ou du moins les pistes de réflexion, apportés par la série, situent définitivement celle-ci en dehors du champ politiquement correct, et vous laisseront songeur !
Des Personnages attachants et des acteurs éblouissants
Les scénarios, aussi excellents soient-ils, ne seraient rien sans un casting réussi. Et celui de BSG l’est en tous points. Aucun personnage n’est manichéen, chacun est aussi réaliste que la réalisation caméra à l’épaule, qui donne à BSG ce petit côté « documentaire », soutenue par les décors de la survie (des vaisseaux branlants et rouillés) si éloignés des environnements clairs et aseptisés de Star Trek. Chaque personnage nous fait tantôt pleurer, tantôt rire, attise notre compassion ou notre colère, excite notre sensualité avant de nous sembler repoussant. Aucun des 50.000 survivants n’est définitivement étiqueté.
Quant aux acteurs qui les incarnent, ils sont si convaincants qu’on oublie sans cesse qu’ils ne sont « que » des acteurs. C’est exceptionnel dans une série télé : aucun comédien ne joue mal ! On retiendra, notamment, Mary McDonnell, alias Laura Roslin, incroyablement émouvante et attachante, malgré son personnage de petit dictateur, et James Callis, alias Gaius Baltar, qui parvient à être simultanément pathétique, haïssable et déjanté (il a d’ailleurs été récompensé pour son rôle, aux Emmy Award).
Une Bande originale digne des plus grands films hollywoodiens
Impossible d’évoquer BSG sans parler de sa musique : cette série ne serait pas le joyau de science-fiction qu’elle est, sans l’œuvre d’exception du compositeur Bear McCreary. Les audaces et les trouvailles dont celui-ci a fait preuve tout au long des quatre saisons et de deux téléfilms sont hallucinantes et offrent à BSG une qualité habituellement introuvable à la télévision. McCreary ne s’est pas contenté d’honorer son contrat, il s’est investi totalement pour finalement transcender la série.
Bien loin d’une bande originale d’ambiance et simplement illustrative, le compositeur, disciple d’Elmer Bernstein, varie ses orchestrations à l’infini, alternant l’ésotérisme tribal, le vertige celtique, la mélancolie ethnique, l’épopée électronique et les percussions hypnotiques. Cette bande originale époustouflante, disponible en CD (un album par saison et par téléfilm), est juste indispensable à tout mélomane désireux de sons rares !
Un Prequel dont BSG n’a pas à rougir
Forts du succès critique de BSG, Moore et Eick, épaulés cette fois par Remi Aubuchon (24 heures chrono), offrent une suite, ou plutôt un prequel (une sorte de Genèse de BSG) de grande qualité.
Cinquante-huit ans avant la destruction des douze colonies, on assiste à la création des Cylons par le savant Daniel Graystone et sa fille Zoe, morte dans un attentat organisé par « les soldats de l’unique » en même temps que l’épouse et la fille de l’avocat Joseph Adama (le père de William Adama). Cet attentat a lieu dans le contexte d’une guerre de religion entre Monothéistes et Polythéistes, ce qui préfigure déjà l’un des thèmes de BSG.
Caprica est une série qui parvient à créer sa propre atmosphère, son propre style, tout en étant fidèle à la continuité instaurée par BSG. Point de batailles spatiales et d’uniformes militaires, nous sommes embarqués dans un thriller intimiste qui flirte avec le mélodrame. L’action se passe dans les douze colonies, essentiellement sur Caprica, un peu sur Gemenon et sur Tauron. Le décor de Caprica City est un subtil mélange d’une Amérique des années 40-50 et d’une technologie futuriste mais crédible, où la notion d’univers virtuel (le « V-World », accessible grâce aux holobands) est de première importance : les adolescents désabusés s’évadent dans un club imaginaire où ils s’adonnent, pour de faux, à tous les vices, jusqu’au meurtre.
Caprica City... la vraie ? ou bien une capitale virtuelle fantasmée par des ados ?
Le trouble poétique provoqué par Caprica est immédiat, ses personnages nous accrochent d’emblée, et les retournements de situation ne nous permettent pas de souffler. Ajoutons que la bande originale est encore l’œuvre d’un Bear McCreary plus que jamais inspiré, et vous comprendrez que, quoique différente, cette série ne souffre pas de la comparaison avec BSG !
Seul bémol : la chaîne Syfy ayant décidé qu’il n’y aurait pas de saison 2, la série s’arrête après le 18è épisode. Heureusement, Ronald D. Moore conclut, mais les cinq dernières minutes nous font ressentir à quel point il n’a pas eu le temps d’aller au bout de ses idées, et le téléspectateur peut se sentir cruellement frustré ! Nous sommes d’ailleurs nombreux à penser que la chaîne américaine de science-fiction a commis un attentat au chef-d’œuvre. Et l'amertume est d'autant plus grande quand on sait que, parallèlement à cette annulation, elle investit de l'argent dans la création de programmes de téléréalité ! En bref : frak you Syfy !! (pour la traduction, vous comprendrez en regardant BSG…)
En Conclusion…
Que vous y voyiez, comme moi, des réflexions philosophiques sur l’humanité, la religion, le racisme, la politique et l’amour, ou que vous profitiez naïvement du voyage (non sans risques !) à bord du Battlestar Galactica et de la beauté des combats spatiaux, après visionnage de BSG, vous serez convaincus que cette série marque une ceratine apogée de la science-fiction en ce début de XXIè siècle. Alors, ne vous privez pas de découvrir cette merveille. So say we all !
Petit guide de visionnage
Pas forcément évident de se retrouver dans cet univers si riche ! Je vous ai donc établi ce guide qui vous permettra de trouver votre chemin :
Joseph Adama (Esai Morales), père de William, fait l'expérience du holoband.
1° Mini-series (pilote)
2° Saison 1
3° Saison 2
4° BSG : The Resistance (série de mini-épisodes disponibles gratuitement et avec sous-titres sur le web, ou dans le coffret de l’intégrale)
5° Saison 3
6° BSG : Razor (téléfilm)
7° Saison 4 (épisodes 1 à 11)
8° BSG : The Face of the enemy (mini-épisodes disponibles uniquement sur le web, mais gratuit et avec sous-titres en cherchant bien)
9° Saison 4 (de l'épisode 12 jusqu'à la fin de la série)
10° The Plan (téléfilm, ne se trouvant pas, bizarrement, dans le coffret de l’intégrale, mais sur un DVD à part).
Caprica, qui chronologiquement est donc antérieure à l’attaque des Cylons, peut se regarder indépendamment de BSG, donc avant ou après. Cependant, je vous conseille de découvrir cette série (intégrale dispo en un coffret DVD ou Blu-Ray) après BSG, afin de profiter des nombreux clins d’œil à la série d’origine.
Les illustrations de cet article sont © Ronald D. Moore, David Eick, Glen A. Larson et Michael Rymer. Le texte est © Le Grenier de la télé. Tous droits réservés.